Dans un monde de plus en plus façonné par l’intelligence artificielle, les modèles de langage jouent un rôle central, transformant notre manière d’interagir avec la technologie. Cependant, cette avancée s’accompagne d’une problématique préoccupante: la tendance de ces modèles à générer des réponses qui, bien que convaincantes, peuvent être erronées. Ce phénomène, connu sous le terme d’hallucinations, soulève des questions essentielles sur la fiabilité des systèmes d’intelligence artificielle et leur impact sur divers secteurs, tels que l’éducation, la recherche et les services à la clientèle.

Les hallucinations des modèles de langage peuvent être comparées à des erreurs de jugement que l’on observe dans la prise de décision humaine. Tout comme une personne peut faire preuve de confiance excessive dans ses connaissances, même sur des sujets qu’elle maîtrise peu, les modèles d’IA produisent parfois des réponses qui semblent logiques mais qui sont en réalité infondées. Cette tendance à “bluffer” face à l’incertitude peut avoir des répercussions significatives. Par exemple, dans le domaine médical, des recommandations inexactes peuvent avoir des conséquences graves sur la santé des patients, tandis que dans le secteur éducatif, des erreurs de contenu peuvent entraver l’apprentissage des étudiants.

Les causes de ces hallucinations sont variées et souvent liées aux méthodes d’entraînement des modèles. La collecte des données, les biais présents dans celles-ci et la structure des algorithmes contribuent à créer un environnement où l’incertitude est mal gérée. De plus, l’évaluation favorise parfois la supposition plutôt que l’honnêteté intellectuelle, incitant les modèles à fournir des réponses même lorsqu’ils manquent d’informations fiables.

Face à cette réalité, il est essentiel de repenser notre approche des modèles de langage. Comment améliorer leur fiabilité tout en préservant leur capacité à générer des réponses pertinentes et engageantes ? La solution pourrait résider dans l’intégration de mécanismes encourageant une meilleure gestion de l’incertitude, tout en valorisant l’abstention lorsque cela est nécessaire. En redéfinissant les critères d’évaluation et en ajustant nos attentes, il est possible de bâtir des systèmes d’intelligence artificielle qui séduisent par leur performance tout en respectant les standards d’exactitude et de responsabilité.

L’exploration des hallucinations dans les modèles linguistiques met en exergue un phénomène préoccupant: ces systèmes produisent des réponses qui, bien que convaincantes, peuvent être totalement erronées. Cette capacité à générer des contre-vérités, empreintes d’une confiance excessive, compromet leur fiabilité et leur utilité. Les erreurs ne se limitent pas à des cas isolés, mais révèlent un ensemble complexe de défaillances sur des chaînes plausibles. Même dans un corpus d’entraînement exempt d’erreurs, la structure de l’objectif statistique minimisé lors du préentraînement peut déjà entraîner des inexactitudes.

Résumé Les avancées des grands modèles de langage soulèvent une question cruciale: leur tendance à produire des énoncés plausibles mais incorrects, désignés sous le terme d’“hallucinations”, lorsqu’ils se heurtent à des zones d’incertitude. Ces erreurs, observées même dans les systèmes les plus sophistiqués, compromettent la confiance des utilisateurs et l’efficacité des outils basés sur l’intelligence artificielle. Cette analyse met en lumière que ces hallucinations résultent d’un processus d’entraînement et d’évaluation qui privilégie la présomption au détriment de la reconnaissance de l’incertitude.

Erreurs causées par le préentraînement

Réduction « Is-It-Valid » (IIV)

Les chercheurs établissent un lien étroit entre la génération de texte et une question de classification binaire: « Cette sortie est-elle valide ? ». La tâche de générer des énoncés sans erreur s’avère plus complexe que celle de classer la validité d’une proposition unique. En effet, la génération nécessite une évaluation simultanée de la validité de multiples candidats. Pour illustrer ce concept, imaginons un cadre d’entraînement équilibré, où des exemples valides et invalides sont présentés. Ce modèle transforme ainsi un générateur de texte en un classificateur de validité. Autrement dit, si un modèle commet des erreurs X % du temps dans l’évaluation de la validité d’une phrase, il est probable qu’il fasse au moins deux fois plus d’erreurs lors de la génération de phrases correctes. Les mêmes facteurs statistiques qui induisent des erreurs en classification se manifestent également lors de la génération.

Intuition clé vulgarisée

Il est essentiel de comprendre que même dans un monde où toutes les phrases seraient correctes, un modèle ne pourrait pas apprendre des faits totalement arbitraires ou inconnus, tels que la date d’anniversaire d’un individu dont il n’a jamais entendu parler. Dans ces situations, même un modèle parfaitement entraîné fera des erreurs, et plus le champ des réponses potentielles est vaste, plus la probabilité d’erreurs augmente.

Calibration

Dans cette analyse, le cadre interprète un certain écart entre les croyances du modèle et la véritable distribution comme un indicateur de mauvaise calibration. Après un préentraînement adéquat, mesuré par la perte d’entropie croisée, cet écart tend à se réduire, mais n’est pas complètement éliminé.

Pas seulement de l’autocomplétion

Il est crucial de noter que cette analyse ne se limite pas à une simple tâche de prédiction du mot suivant. Les erreurs émergent du fit statistique à la distribution du langage, quelle que soit l’architecture employée. Bien que l’architecture puisse introduire des erreurs supplémentaires, la racine des problèmes demeure d’ordre statistique.

Facteurs d’erreurs pour des modèles de base

Faits arbitraires (incertitude épistémique)

Certaines recherches modélisent les faits arbitraires en affirmant que, pour un prompt donné, il existe une seule bonne réponse parmi de nombreuses alternatives plausibles. Si le modèle n’a jamais rencontré ce fait dans ses données d’entraînement, la réponse optimale serait de déclarer « Je ne sais pas » (IDK). Deux observations pratiques en découlent: Les personnalités très connues, souvent présentes dans les données, génèrent moins d’hallucinations. Les faits rares provoquent davantage d’hallucinations, car le modèle n’a pas eu l’opportunité d’apprendre à leur sujet.

Taux de “singletons”

Le taux de singleton représente la proportion de prompts qui apparaissent une seule fois dans les données d’entraînement, en excluant les cas d’abstention. Un taux élevé indique une présence accrue de “masse manquante”, c’est-à-dire des zones non couvertes par les données. Par conséquent, le risque d’hallucinations augmente proportionnellement au taux de singletons. Des bornes théoriques démontrent également que, même avec un bon calibrage, il est impossible d’éliminer complètement ces hallucinations.

Mauvais modèles (biais d’approximation / d’ajustement)

D’autres études examinent les conséquences d’une famille de modèles trop restreinte, tels que les n-grammes ou les contextes courts. Cela mène à une erreur minimale incompressible: même avec un entraînement parfait, un modèle jugé « trop simple » ne pourra jamais atteindre un certain seuil de performance. À titre d’exemple, un trigramme qui ne prend en compte que deux mots précédant le mot à prédire est incapable de gérer certains accords ou dépendances plus longues. Ainsi, des prompts presque identiques, tels que « her mind » et « his mind », peuvent piéger systématiquement le trigramme, le contraignant à se tromper au moins une fois sur deux lors de la génération.

Autres facteurs

La littérature souligne également d’autres causes bien connues de ces erreurs, telles que la dureté calculatoire, les déplacements de distribution (prompts hors domaine) et le principe GIGO (garbage in, garbage out). Bien que le post-entraînement puisse atténuer certaines erreurs GIGO, il ne parvient pas à résoudre tous les problèmes.

Pourquoi les hallucinations survivent au post-entraînement

L’explication avancée pour la persistance des hallucinations est d’ordre socio-technique: la majorité des évaluations sont basées sur des critères binaires (exact/incorrect) qui pénalisent l’abstention et l’incertitude. Dans ce cadre, deviner lorsque l’on est incertain maximiserait le score attendu. Les modèles sont donc incités à “bluffer” plutôt qu’à exprimer leur incertitude en disant « Je ne sais pas ». Optimiser pour ces critères renforce la tendance aux hallucinations. Même si des tests spécifiques sur les hallucinations sont conçus par la communauté, tant que les évaluations principales récompensent la supposition, le problème persiste.

Observation sur l’optimalité de la notation binaire

Pour illustrer ce mécanisme, imaginons un barème où une réponse correcte rapporte 1 point, tandis qu’une réponse incorrecte vaut 0, et où l’option « Je ne sais pas » n’attribue aucun point. Dans ce scénario, la stratégie optimale pour un système serait toujours de fournir une réponse, plutôt que de s’abstenir. Cette règle prédomine sur l’abstention, et par conséquent, apprendre dans ce cadre encourage mécaniquement la supposition.

Proposition: cibles de confiance explicites

Une proposition concrète consiste à intégrer dans les instructions des évaluations un seuil de confiance explicite, avec une règle simple à suivre: Répondre uniquement si la confiance dépasse le seuil t. Une réponse correcte rapporte 1 point. Une réponse incorrecte entraîne une pénalité pour décourager les réponses en dessous du seuil (par exemple, une pénalité de 1 point si t = 0,5 ; 2 points si t = 0,75 ; 9 points si t = 0,9). L’option IDK vaut 0.

Effet recherché

Avec un tel barème, répondre n’est rationnel que si l’on pense surpasser le seuil de confiance ; sinon, l’option “Je ne sais pas” devient la meilleure stratégie. L’objectif est d’intégrer ces cibles dans les évaluations dominantes, comme le SWE-bench, plutôt que de créer uniquement des tests ad hoc.

Calibration comportementale

En définissant des cibles explicites, il devient possible d’auditer le comportement des modèles en mesurant dans quelle mesure ils choisissent de s’abstenir ou de répondre autour du seuil. Il est également envisageable d’analyser comment évoluent la précision et les erreurs à mesure que le seuil t varie. Cette méthode n’exige pas d’extraire des probabilités “calibrées”, mais évalue simplement le respect de la règle établie.

Analyse courte des benchmarks

Un aperçu des évaluations couramment utilisées révèle que la grande majorité d’entre elles adoptent une notation binaire et ne créditent pas l’option “IDK”: GPQA: QCM ; binaire ; aucun crédit IDK. MMLU-Pro: QCM ; binaire ; aucun crédit IDK. IFEval: vérification programmatique ; binaire (agrégée) ; aucun crédit IDK. Omni-MATH: équivalence de réponses ; binaire ; aucun crédit IDK. WildBench: grille notée par LM (1-10) ; non binaire ; crédit partiel pour IDK, parfois inférieur à des réponses incorrectes contenant des hallucinations. BBH: QCM / exact-match ; binaire ; aucun crédit IDK. MATH (L5): équivalence ; binaire ; aucun crédit IDK. MuSR: QCM ; binaire ; aucun crédit IDK. SWE-bench: patchs passent les tests ; binaire ; aucun crédit IDK. HLE: QCM / équivalence ; binaire ; aucun crédit IDK (scores < 30 % au moment du rapport).

Cet aperçu souligne également que la mauvaise calibration est souvent supérieure à 70 % dans ces évaluations. Il est important de noter que la calibration post-hoc ne constitue pas une mesure fiable des hallucinations, car il est possible d’halluciner 100 % du temps tout en affichant 0 % d’erreur de calibration, ou vice versa.

Discussion et limites

Cette discussion met en lumière les limites du cadre actuel: l’analyse se concentre sur les chaînes plausibles et pourrait être élargie pour inclure des chaînes non-sens. Elle aborde également les cas ouverts, tels que les biographies, en considérant toute fausse affirmation comme une erreur, avec des degrés de gravité potentiels. Il est crucial de souligner que des méthodes comme RAG et le raisonnement ne suffisent pas ; tant que la notation reste binaire, la tendance à deviner perdure lorsque la recherche échoue.

Conclusions

Cette ligne de recherche éclaire l’origine des hallucinations, démontrant que le préentraînement, via l’entropie croisée, génère naturellement des erreurs analogues aux mauvais classements. Le post-entraînement ne parvient pas à les éliminer tant que les évaluations principales pénalisent l’incertitude. La recommandation opérationnelle consiste à adapter les barèmes des évaluations dominantes afin de récompenser des abstentions appropriées (IDK) et d’intégrer des cibles de confiance explicites, dans le but de favoriser des systèmes plus fiables et des compétences pragmatiques plus développées.

Les défis posés par les hallucinations dans les modèles de langage soulèvent des questions fondamentales sur la manière dont ces systèmes interagissent avec l’incertitude. L’incapacité à reconnaître et à gérer cette incertitude peut mener à des erreurs significatives, avec des implications qui dépassent le cadre technologique pour toucher des domaines cruciaux tels que la santé, l’éducation et même la gouvernance. L’analyse des causes de ces erreurs met en lumière l’importance d’une approche rigoureuse dans la collecte des données et le développement des algorithmes.

Les systèmes d’intelligence artificielle, tout en offrant des possibilités sans précédent, doivent être conçus avec une conscience aiguë de leurs limites. L’incitation à deviner face à l’incertitude, exacerbée par des méthodes d’évaluation inadaptées, peut compromettre la qualité des réponses fournies. Parallèlement, il devient de plus en plus pressant d’établir des critères d’évaluation qui valorisent l’honnêteté intellectuelle et l’abstention appropriée.

La réflexion sur les hallucinations des modèles de langage nous invite à envisager un avenir où la collaboration entre l’humain et l’IA est optimisée. En intégrant des mécanismes qui favorisent la prudence et la transparence, il est possible de bâtir des systèmes plus fiables. Cette situation soulève la question de la responsabilité collective dans la conception de ces technologies. Comment, en tant que société, pouvons-nous garantir que ces outils évoluent de manière à servir l’intérêt général tout en minimisant les risques d’erreurs préjudiciables ?

L’exploration de ces enjeux ouvre la voie à une conversation enrichissante sur l’avenir des technologies basées sur l’intelligence artificielle. La compréhension des hallucinations et des erreurs qui en découlent n’est qu’un début. En continuant à étudier ces phénomènes, chercheurs, développeurs et utilisateurs peuvent collaborer pour créer un écosystème technologique innovant et responsable, capable de répondre aux complexités du monde moderne.

Aller plus loin

Pour enrichir votre compréhension des hallucinations dans les modèles de langage et des enjeux captivants liés à l’intelligence artificielle, plongeons dans une sélection de ressources fascinantes qui vous ouvriront de nouvelles perspectives.

Commencez par explorer le livre indispensable intitulé "Deep Learning for Natural Language Processing" écrit par Ian Goodfellow, Yoshua Bengio et Aaron Courville. Cette œuvre magistrale se présente comme une référence incontournable pour ceux qui souhaitent s’initier à l’apprentissage profond et à son application dans le traitement du langage naturel. En fournissant des bases théoriques solides accompagnées d’exemples pratiques, cet ouvrage permettra aux lecteurs de saisir les défis complexes que pose la génération de texte par les modèles d’intelligence artificielle.

Poursuivez votre exploration avec l’article fondateur "Attention is All You Need" de Vaswani et ses collègues. Ce texte novateur a introduit le modèle Transformer, qui constitue la pierre angulaire de nombreux systèmes modernes de traitement du langage. La compréhension de cette architecture est non seulement essentielle pour appréhender le fonctionnement des modèles de langage, mais aussi pour mieux cerner les limites qui en découlent.

Une réflexion sur les enjeux éthiques de l’intelligence artificielle ne saurait être complète sans consulter "The Ethics of Artificial Intelligence and Robotics" de Vincent C. Müller. Ce document explore les implications morales de l’IA, en abordant notamment la question cruciale de la responsabilité en cas d’erreurs des systèmes. En vous immergeant dans ces réflexions, vous pourrez mieux comprendre les conséquences des hallucinations et l’importance d’une régulation appropriée pour encadrer ces technologies.

Pour rester à la pointe des avancées en matière de modèles de langage, ne manquez pas de visiter le blog d’OpenAI. Ce site regorge d’articles approfondis sur les progrès réalisés dans le domaine de l’intelligence artificielle, incluant des discussions sur les hallucinations et les stratégies à adopter pour améliorer la fiabilité des réponses générées. C’est une ressource précieuse qui vous tiendra informé des dernières recherches et développements.

Le AI Alignment Forum est également un espace incontournable pour quiconque s’intéresse à l’alignement des objectifs de l’intelligence artificielle avec les valeurs humaines. Ce forum aborde des sujets complexes, tels que la gestion de l’incertitude et les erreurs potentielles, offrant ainsi un éclairage précieux sur la manière de concevoir des systèmes d’IA plus sûrs et responsables.

Enfin, terminez votre voyage intellectuel avec l’ouvrage "The Black Box Society: The Secret Algorithms That Control Money and Information" de Frank Pasquale. Ce livre captivant traite de l’influence des algorithmes sur notre quotidien, en particulier en matière de prise de décision. En explorant la transparence et la responsabilité des systèmes algorithmiques, il soulève des questions pertinentes sur les hallucinations et leur impact sur la confiance du public.

Ces ressources vous permettront d’élargir votre perspective sur les modèles de langage, leurs défis et leurs implications dans notre société moderne. N’hésitez pas à plonger dans ces lectures pour enrichir votre compréhension du sujet.