À l’aube du XXIe siècle, l’avènement du numérique et le développement rapide de l’intelligence artificielle ont provoqué une transformation sans précédent de nos modes de vie, de travail et de culture. Ces nouvelles technologies redéfinissent notre rapport à l’information et révolutionnent notre compréhension ainsi que notre appréciation du patrimoine culturel. Les institutions culturelles se trouvent à un tournant, confrontées à des défis techniques et éthiques. L’intégration de l’IA dans le domaine culturel ouvre des perspectives fascinantes, tout en soulevant des questions cruciales sur la préservation de notre héritage. À l’image de la révolution industrielle du XIXe siècle, qui a bouleversé les modes de production et les relations sociales, l’ère numérique est marquée par une quête d’innovation et d’efficacité. Dans ce contexte, la numérisation des collections patrimoniales et l’utilisation de systèmes d’IA pour analyser, cataloguer et valoriser ces richesses culturelles occupent une place centrale. Cependant, cette transition soulève des interrogations sur la capacité des technologies à remplacer ou compléter l’expertise humaine, ainsi que sur les implications éthiques d’une telle dépendance aux algorithmes. La fusion entre l’IA et le patrimoine culturel ne se limite pas à la simple conservation des œuvres ; elle ouvre des voies nouvelles pour l’éducation, l’engagement communautaire et l’inclusivité. La numérisation de projets permet d’accéder à des collections auparavant inaccessibles, enrichissant ainsi notre compréhension collective des arts et de l’histoire. Pourtant, cette dynamique nécessite une réflexion approfondie sur la souveraineté numérique et la protection des données, surtout dans un paysage où les géants technologiques dominent le secteur. Il devient essentiel d’explorer comment ces initiatives peuvent préserver notre patrimoine tout en renforçant notre identité culturelle face à la mondialisation. En conjuguant innovation technologique et sensibilité culturelle, nous avons l’opportunité de bâtir un avenir où l’accès à la culture est élargi, où la diversité linguistique et artistique est célébrée, et où les valeurs humaines demeurent au cœur de l’évolution numérique.

L’impact de l’Intelligence Artificielle sur la Culture et le Patrimoine

La révolution numérique, et plus particulièrement l’essor de l’intelligence artificielle (IA), transforme profondément les pratiques culturelles ainsi que l’accès à la connaissance. Dans ce cadre, Rachida Dati, ministre de la Culture, a prononcé une allocution le 22 juillet, en présence de Brad Smith, président de Microsoft, et de représentants de prestigieuses institutions patrimoniales françaises. Cette rencontre a marqué un tournant décisif dans la collaboration entre les secteurs public et privé pour l’avenir de la culture.

Partenariats stratégiques autour de l’IA

Collaboration avec Microsoft

Dans le cadre de l’initiative Heritage Watch: AI, lancée en février 2025 lors d’un sommet consacré à l’intelligence artificielle, des partenariats stratégiques ont été établis entre Microsoft et plusieurs institutions culturelles françaises. Ces alliances visent à mobiliser des outils innovants pour la préservation, la valorisation et l’accès au patrimoine culturel national.

La BNF et l’IA éthique

Projet de numérisation

La Bibliothèque nationale de France (BNF) s’engage dans un projet ambitieux de numérisation de ses trésors graphiques, notamment les maquettes et costumes d’opéra. Avec le soutien de Microsoft et d’Iconem, une entreprise française spécialisée dans la numérisation 3D, environ 1500 pièces seront numérisées afin de créer une base de données accessible tant aux chercheurs qu’au grand public.

Stratégie de l’IA à la BNF

Rachida Dati a souligné que « la numérisation et le recours à l’intelligence artificielle offrent des opportunités inédites pour mieux connaître ces collections et développer de nouvelles manières de les rendre accessibles ». Ce projet n’est qu’une étape dans la stratégie plus large de la BNF, qui, depuis plusieurs années, développe des initiatives intégrant l’intelligence artificielle pour enrichir l’accès au patrimoine et structurer les métadonnées de ses vastes collections. En 2021, la BNF a élaboré une feuille de route stratégique visant à intégrer l’IA dans toutes ses missions tout en garantissant des principes de transparence, d’éthique et de souveraineté culturelle.

Projets spécifiques

Finlam: Ce projet de recherche, lancé en 2023 pour une durée de quatre ans, explore les capacités des modèles de langage et de la vision par ordinateur pour traiter des documents complexes, facilitant ainsi l’extraction d’informations.
Collecte thématique de 2021: La BNF a archivé plus de 10 millions d’URLs issues de 700 sites spécialisés sur l’IA, enrichissant son dépôt légal du web et documentant l’évolution du discours numérique sur ce sujet.
Gallica Images: Grâce à des algorithmes de reconnaissance d’image, la BNF s’emploie à classer et indexer ses fonds iconographiques, rendant ainsi des millions d’images numérisées plus accessibles.
Argimi: Ce consortium, regroupant la BNF, l’INA et d’autres acteurs, vise à créer un modèle de langage francophone pour garantir la culture européenne dans les outils d’IA.
Gallicasnoop: Ce projet, développé avec l’INRIA et l’INA, permet d’identifier automatiquement des objets dans les collections iconographiques.
REMdM: Une initiative explorant les écritures musicales manuscrites pour reconnaître les copistes et compositeurs.
Litté_bot: Un chatbot interactif permettant de dialoguer avec des figures littéraires emblématiques.
Newseye: Projet d’analyse à grande échelle de la presse ancienne.
Datacatalogue: Outil pour structurer automatiquement les catalogues numismatiques.

Notre-Dame et le Musée des Arts Décoratifs

Reconstitution immersive de Notre-Dame

Le futur musée de Notre-Dame, dont l’exposition préfigurante ouvrira ses portes en mars 2026, bénéficiera également de l’expertise d’Iconem et du soutien financier de Microsoft. Ce projet inclura une reconstitution immersive assistée par IA, permettant de présenter Notre-Dame non seulement comme un monument emblématique de l’histoire nationale, mais aussi comme un foyer artistique majeur et un chantier permanent des savoir-faire patrimoniaux. Rachida Dati a salué la décision de Microsoft de rétrocéder à la France les droits du « jumeau numérique » de Notre-Dame, un geste significatif en faveur de la souveraineté culturelle.

Portail numérique pour le Musée des Arts Décoratifs

Le Musée des Arts Décoratifs, qui abrite de nombreuses collections souvent non exposées, bénéficiera d’un portail numérique assisté par IA. Cet outil a pour but d’accélérer le travail de documentation et d’inventaire. Rachida Dati a souligné l’ampleur de cette tâche en déclarant: « Si l’on devait cataloguer toutes les œuvres du musée avec les seules ressources humaines, il faudrait 650 ans ». Le portail permettra également de mettre en ligne des pièces inaccessibles au public, offrant ainsi un saut qualitatif dans la médiation numérique.

Souveraineté numérique et défis

Projet HeritageWatch.ai

Lancé à Paris lors du sommet Action IA par le ministère de la Culture, HeritageWatch.ai regroupe quatre partenaires clés: Aliph, Iconem, Planet Labs et Microsoft, qui apporte son expertise technologique via son programme « AI for Good ». L’objectif est de surveiller en temps réel des milliers de sites culturels à travers le monde pour détecter, anticiper et documenter les dommages causés par les conflits, les catastrophes naturelles ou l’urbanisation incontrôlée. Grâce à des algorithmes d’IA et à une plateforme d’alerte baptisée Heritage Alert System, les équipes peuvent signaler rapidement toute menace, qu’il s’agisse de pillages, d’incendies ou d’inondations.

Dépendance technologique

Cependant, le projet soulève des questions sur la souveraineté numérique. La dépendance à des outils technologiques propriétaires, notamment ceux de Microsoft et de Planet Labs, interroge la capacité de la France à contrôler ses propres données. Bien que la structure soit hébergée en France, les flux de données demeurent largement en dehors du contrôle des autorités nationales. De plus, confier à l’intelligence artificielle la détection des menaces soulève des inquiétudes quant à la place de l’expertise humaine.

Face à la domination des géants américains et chinois, la France et l’Europe se positionnent en défendant une « troisième voie » en matière d’IA, alliant excellence scientifique, vision éthique et souveraineté technologique. Le sommet IA de février 2025 a constitué un tournant, avec l’annonce d’un investissement de 109 milliards d’euros par la France et un soutien européen à travers le plan Choose Europe for Science.

Conclusion et Vision Politique

Dans ce contexte, la ministre a réaffirmé sa vision d’une souveraineté numérique et culturelle européenne. Elle a insisté sur l’importance d’entraîner des IA dans les langues européennes et de garantir une juste rémunération des ayants droit. Rachida Dati a déclaré: « L’avenir de notre diversité linguistique et culturelle dépend de notre capacité à investir l’espace numérique. C’est l’une des priorités du travail que je conduis en faveur d’une Europe de la culture ». La création de l’Altedic, un centre de recherche dédié à l’IA multilingue européenne, inauguré cette année à Villers-Cotterêts, illustre cette volonté.

À l’intersection de la culture et de la technologie, l’intelligence artificielle se révèle être un outil puissant qui transforme la manière dont nous interagissons avec notre patrimoine. Les partenariats stratégiques entre institutions culturelles et entreprises technologiques ouvrent de nouvelles possibilités pour préserver et valoriser les trésors artistiques, tout en rendant l’accès à la culture plus inclusif et démocratique. Les projets ambitieux de numérisation et d’analyse des collections illustrent la volonté de moderniser notre rapport au savoir, tout en soulevant des interrogations sur la place de l’expertise humaine face à la montée des algorithmes. Dans un monde où les flux de données circulent librement et où la dépendance à la technologie grandit, la question de la souveraineté numérique devient cruciale. L’enjeu n’est pas seulement de préserver notre histoire, mais aussi de garantir que cette préservation se fasse dans le respect de nos valeurs culturelles et éthiques. En élargissant l’accès à des œuvres souvent oubliées, ces initiatives participent à la construction d’une identité culturelle dynamique et plurielle. À un moment où la diversité linguistique et culturelle est mise à mal par la mondialisation, il est essentiel de réfléchir à l’impact de l’intelligence artificielle dans le domaine culturel. Les choix faits aujourd’hui influenceront non seulement la manière dont nous sauvegardons notre héritage, mais aussi la façon dont les générations futures percevront et vivront leur culture. L’exploration de ces enjeux incite à un dialogue continu sur l’avenir de notre patrimoine à l’ère numérique, et invite chacun à s’engager dans cette conversation essentielle pour notre avenir collectif.

Aller plus loin

Pour ceux qui souhaitent explorer davantage les enjeux fascinants liés à l’intelligence artificielle et à la culture, plusieurs ressources essentielles s’offrent à vous.

Commencez par plonger dans l’univers de la Bibliothèque nationale de France (BNF), une véritable caverne d’Ali Baba pour les passionnés du patrimoine culturel français. Ce site vous permet d’accéder à des millions de documents numérisés, tout en vous proposant des informations sur les projets d’intelligence artificielle liés à la numérisation et à la conservation des œuvres. En parcourant ces trésors, vous découvrirez une richesse inestimable qui éclaire l’histoire et la culture françaises.

Ensuite, le Ministère de la Culture se présente comme une ressource incontournable pour ceux qui souhaitent comprendre les politiques culturelles en France. Sur ce site, vous trouverez des actualités et des informations sur les initiatives en relation avec l’intelligence artificielle. C’est un excellent moyen de suivre les évolutions législatives et de découvrir les projets soutenus par l’État, offrant ainsi un aperçu précieux des dynamiques en cours dans le paysage culturel.

Pour les amateurs de patrimoine audiovisuel, l’Institut national de l’audiovisuel (INA) s’affirme comme un acteur clé. Le site de l’INA présente une multitude de ressources sur l’utilisation de l’intelligence artificielle pour l’analyse et l’indexation des contenus audiovisuels. Vous y trouverez également des projets innovants qui marient habilement culture et technologie, révélant ainsi comment ces deux domaines peuvent s’enrichir mutuellement.

Une autre plateforme fascinante est Heritage Watch: AI, qui se concentre sur l’application de l’intelligence artificielle pour surveiller et protéger notre patrimoine culturel menacé. En explorant ce site, vous découvrirez des informations sur des projets de collaboration et des innovations technologiques qui visent à préserver les trésors culturels pour les générations futures.

De plus, la Fabrique de l’Industrie se penche sur les enjeux de l’innovation industrielle en France, en mettant en lumière le rôle de l’intelligence artificielle dans divers secteurs, dont la culture. Les publications de ce think tank offrent des réflexions stimulantes sur l’impact des nouvelles technologies sur notre société, invitant à une réflexion profonde sur notre avenir commun.

Enfin, la Commission européenne - Digital Strategy vous permet de naviguer à travers ses initiatives en matière de stratégie numérique. Ce site aborde des questions cruciales telles que la souveraineté numérique et la réglementation de l’intelligence artificielle. En le consultant, vous acquerrez une compréhension essentielle des enjeux européens liés à la technologie et à la culture, vous armant ainsi pour les défis à venir.

Ces ressources sont autant de portes ouvertes sur un univers riche et complexe, où l’intelligence artificielle et la culture s’entrelacent pour façonner notre avenir.