Dans un monde où la sécurité des citoyens est de plus en plus préoccupante, la vidéosurveillance algorithmique soulève des débats passionnés et des attentes élevées. Les avancées en matière d’intelligence artificielle ouvrent la voie à des solutions innovantes pour prévenir la criminalité et améliorer la sécurité publique. Récemment, des événements marquants, comme les attentats terroristes et la montée des incivilités dans les transports en commun, ont mis en lumière la nécessité d’une surveillance plus efficace et réactive. La France, berceau des droits de l’Homme, se trouve à un carrefour délicat, où la quête d’une sécurité accrue doit être équilibrée avec la protection des libertés individuelles. Les discussions autour de l’utilisation de technologies avancées, telles que la reconnaissance algorithmique, soulèvent des questions éthiques, notamment concernant la vie privée des citoyens. Ce phénomène n’est pas spécifique à la France ; d’autres pays, comme le Royaume-Uni et les États-Unis, expérimentent également des solutions technologiques similaires, offrant ainsi des enseignements précieux sur les défis et les réussites de telles initiatives. Dans ce contexte, la récente autorisation temporaire de la vidéosurveillance algorithmique en France, en préparation des Jeux Olympiques de Paris 2024, représente une occasion sans précédent de tester cette technologie. À la croisée de l’innovation et de la responsabilité, cette période d’expérimentation pourrait façonner l’avenir de la sécurité publique en France. Les résultats de cette initiative risquent non seulement d’influencer la législation nationale, mais aussi de servir de modèle pour d’autres pays cherchant à naviguer dans l’équilibre délicat entre sécurité et respect des droits fondamentaux.

La vidéosurveillance algorithmique en France: enjeux et perspectives

La vidéosurveillance algorithmique suscite des débats vifs en France. Autorisée temporairement du 19 mai 2023 au 31 mars 2025 dans le cadre de la loi relative aux Jeux Olympiques, cette technologie pourrait devenir une solution courante pour renforcer la sécurité dans les espaces publics, notamment dans les transports en commun. La région Île-de-France, sous l’initiative de sa présidente, explore cette option.

Contexte législatif

Autorisation exceptionnelle

Du 19 mai 2023 au 31 mars 2025, la vidéosurveillance algorithmique bénéficie d’une autorisation exceptionnelle en préparation des Jeux Olympiques de Paris. Cette période d’expérimentation a pour but d’évaluer l’efficacité de cette technologie en matière de sécurité publique.

Opinion publique

Sondage Ipsos

Un sondage récent réalisé par Ipsos présente des résultats révélateurs. En effet, 89 % des femmes se déclarent favorables à l’installation d’une intelligence artificielle capable d’analyser en temps réel les flux des caméras de surveillance. De plus, 88 % de la population générale partage cette opinion, tandis que seuls 3 % s’opposent à cette initiative. Ces chiffres significatifs incitent les autorités à envisager une adoption plus rapide de cette technologie.

Fonctionnement de la technologie

Différences avec la reconnaissance faciale

Contrairement à la reconnaissance faciale, qui est strictement interdite en France, la reconnaissance algorithmique ne permet pas d’identifier des individus en temps réel. Cette technologie ne collecte pas d’informations relatives à des attributs physiques, comme la couleur de peau, mais peut s’appuyer sur des caractéristiques physiques telles que la taille ou les vêtements pour identifier une personne.

Description de la technologie

La reconnaissance algorithmique repose sur une connexion entre les caméras de surveillance déjà présentes dans l’espace public et un “cerveau” intelligent. Ce dernier traite continuellement les flux vidéo, libérant ainsi les opérateurs humains de la surveillance passive. Lorsqu’un événement est détecté, le système alerte immédiatement un opérateur humain à proximité, lui permettant de consulter les images et d’intervenir rapidement. Le système permet d’interroger le logiciel avec des questions telles que: “Cette personne a-t-elle été victime d’une agression ?”, “Trouve quelqu’un en train de courir” ou “Personne ayant tenté d’arracher un sac”. Le logiciel est conçu pour retrouver des scènes spécifiques en quelques secondes.

Débat éthique

Inquiétudes concernant la vie privée

Cette avancée technologique soulève des questions éthiques cruciales. Les défenseurs de la vie privée expriment des préoccupations au sujet de l’utilisation de la vidéosurveillance algorithmique, craignant un risque accru de surveillance généralisée. La Commission nationale de l’informatique et des libertés a déjà mis en garde sur les implications potentielles d’une telle technologie.

Réaction de Valérie Pécresse

La présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse, adopte une position plus optimiste, affirmant qu’elle ne perçoit pas de menace pour les libertés individuelles. Elle déclare: “Je ne vois pas quelle liberté ça peut enfreindre à part celle du prédateur.” Son point de vue met en lumière le débat entre la nécessité de sécurité et le respect des droits individuels.

Résultats des JO

Bilan de l’expérimentation

Lors des Jeux Olympiques de Paris 2024, l’utilisation de la reconnaissance algorithmique a donné lieu à des résultats mitigés. Au cours de la période d’expérimentation, le système n’a conduit qu’à 7 interventions réelles, principalement liées à des intrusions dans des tunnels ou à des bagages laissés sans surveillance. Ce chiffre reste faible comparé aux 100 signalements quotidiens générés par la machine, dont une partie était constituée de faux positifs.

Analyse des résultats

Ce bilan a suscité des critiques, certains affirmant que le dispositif n’a pas été utilisé de manière optimale. Valérie Pécresse souligne que, paradoxalement, la présence accrue des forces de l’ordre pendant les JO a limité les opportunités d’intervention des caméras. Elle ajoute que l’erreur a été de concentrer l’utilisation de l’intelligence artificielle uniquement sur les grands événements, plutôt que de l’appliquer à la vie quotidienne des Franciliens. “On va sécuriser les concerts de Beyoncé et les coupes du monde plutôt que de sécuriser une femme qui va travailler à 5 heures du matin ou une jeune fille qui va au lycée”, déclare-t-elle.

Perspectives d’avenir

Débat parlementaire

Pour que la vidéosurveillance algorithmique soit adoptée de manière permanente, elle devra passer par un long processus de débat parlementaire. Des propositions de loi ont déjà été déposées à l’Assemblée nationale et au Sénat, mais il reste à déterminer la forme que prendra le projet après discussion et modifications.

Statut actuel de la vidéosurveillance algorithmique

À l’heure actuelle, la vidéosurveillance algorithmique demeure interdite en France. Les discussions en cours autour de cette technologie soulignent l’équilibre délicat entre la sécurité publique et la protection des libertés individuelles.

La montée en puissance de la vidéosurveillance algorithmique en France soulève des enjeux complexes, alliant sécurité publique et respect des droits fondamentaux. Avec un soutien populaire significatif, notamment de la part des femmes, l’idée d’utiliser l’intelligence artificielle pour analyser les flux des caméras de surveillance prend de l’ampleur, révélant une demande sociétale pour des solutions innovantes face à l’insécurité croissante. Cependant, les résultats mitigés observés lors des récents événements, tels que les Jeux Olympiques de Paris, incitent à une réflexion critique sur l’efficacité réelle de ces technologies.

Les interrogations concernant la vie privée et la surveillance généralisée ne peuvent être mises de côté. Alors que les autorités cherchent à adopter des dispositifs de sécurité avancés, il est essentiel de considérer les implications de ces choix sur le tissu social et les libertés individuelles. L’émergence de telles technologies nous pousse à interroger notre rapport à la sécurité: jusqu’où sommes-nous prêts à aller pour garantir notre protection ?

Parallèlement, les débats autour de la vidéosurveillance algorithmique s’inscrivent dans une tendance mondiale plus large, où la technologie devient un acteur central dans la gestion de la sécurité urbaine. Les leçons tirées des expériences d’autres pays pourraient éclairer le chemin à suivre pour la France, tout en incitant les citoyens à s’engager activement dans cette discussion. L’avenir de la sécurité publique dépendra de notre capacité à naviguer entre innovation et éthique, tout en préservant l’essence même des droits humains. Ce sujet mérite une attention continue et une exploration approfondie alors que la société évolue dans un paysage technologique en constante mutation.

Aller plus loin

Pour cadrer juridiquement la vidéosurveillance algorithmique (VSA) en France, commencez par la synthèse de la CNIL sur les caméras « augmentées » dans l’espace public. Vous y trouverez les cas d’usage autorisés, les exigences de proportionnalité et les garanties attendues.

Consultez ensuite le décret n° 2023-828 du 28 août 2023 sur Légifrance, qui fixe le cadre expérimental, les événements détectables et les modalités de mise en œuvre des traitements algorithmiques.

Pour comprendre le contexte opérationnel des grands événements, le ministère de l’Intérieur détaille l’expérimentation en temps réel des « caméras augmentées » et les objectifs de sécurité associés.

Côté droits des personnes, la CNIL propose une FAQ dédiée aux JOP 2024 qui précise les possibilités de recours, d’information et les limites de l’opposition.

Sur le plan constitutionnel, prenez connaissance de la décision n° 2025-878 DC du 24 avril 2025, qui a censuré la prolongation de l’expérimentation de la VSA dans la loi sur la sûreté dans les transports.

Au niveau européen, le Règlement (UE) 2024/1689 dit « AI Act » établit un cadre commun de gestion des risques et interdit certaines pratiques attentatoires aux droits fondamentaux.

Pour une lecture de référence sur la reconnaissance biométrique dans l’espace public, consultez l’appel conjoint EDPB/EDPS en faveur d’une interdiction générale de la reconnaissance automatisée de caractéristiques humaines ainsi que les lignes directrices sur la reconnaissance faciale par les autorités.

Enfin, pour replacer la VSA dans le cadre européen plus large des politiques numériques, consultez la page de la Commission sur l’AI Act et sa mise en œuvre, qui synthétise obligations, calendriers et autorités compétentes.